L’enquête d’opinion a été réalisée du 23 février au 4 mars par l’opérateur ukrainien InfoSapiens et l’analyse par la société internationale Greenberg Quinlan Rosner (GQR). Le panel représentatif comprenait 1 308 électeurs et la marge d’erreur est de 3,6 %.
Le résultat montre aussi que Porochenko, parti il est vrai de très bas (12 % en décembre 2018), a gagné 10 points en un peu plus d'un mois. Si cette tendance se confirme, le résultat pourrait être bien plus serré que ce sondage ne l’indique.
Qui est Volodymyr Zelensky ?
S’il est peu connu dans le monde, Zelensky bénéficie d’une importante notoriété en Ukraine où on le connaît déjà comme président du pays. Enfin… un président de fiction ! Il est le héros principal d’une série télévisée intitulée Slouha Narodou (« Au service du peuple »), dont deux saisons ont été diffusées depuis 2015 sur la chaîne « 1+1 ». L’acteur joue le rôle d’un professeur d’histoire, Vassyl Holoborodko, que les circonstances mènent jusqu’au poste de président de l’Ukraine sur un programme de lutte contre la corruption.
Le candidat Zelensky surfe sur la notoriété de son personnage dans la série. Le parti fondé pour le soutenir s’appelle… Slouha Narodou, ce qui donne une totale ambiguïté et un aspect prémonitoire aux annonces d’une troisième saison de la série : on ne sait plus très bien si elles font référence à la suite des aventures de Holoborodko ou au début de celles d’un futur président.
En plus de la lutte contre la corruption, l’un des principaux thèmes de campagne de Zelensky est la nécessité de sortir de la crise actuelle en entamant des négociations avec la Russie. Cela ne manque pas de lui attirer les critiques et l’hostilité de ceux qui demeurent dans une logique d’affrontement et l’accusent d’ukrainophobie.
Curieusement, derrière Zalensky se profile Ihor Kolomoïsky (1963-), l’un des principaux oligarques du pays, propriétaire de la chaîne de télévision « 1+1 ». Or, les sentiments ukrainophiles de Kolomoïsky ne sont pas à démontrer puisqu’il a financé l’organisation d’extrême droite Pravy Sektor et ses ramifications militaires, notamment le régiment Azov, qui combattent du côté du gouvernement de Kiev dans le Donbass.
Inimitiés au sommet
Kolomoïsky est également un adversaire du président Porochenko avec des proches duquel il s’est trouvé en conflit d’affaires. Le soutien à la candidature de Zelensky apparaît comme une sorte de vengeance contre le président en poste. Ainsi, il a fait à ce dernier un magistral pied de nez le 31 décembre 2018 : contrairement à la tradition, la chaîne « 1+1 » n’a pas diffusé les vœux de Nouvel An de Porochenko mais, à la place, une allocution de Zelensky annonçant sa candidature à la présidentielle.
Selon des sources à Kiev, la position de Kolomoïsky se fonderait également sur la situation économique catastrophique du pays : en 2014, il avait encouragé les forces susceptibles de ramener rapidement de l’ordre dans le Donbass de manière à pouvoir reprendre au plus vite les affaires avec cette partie du pays, l’une des plus industrielles. Un autre oligarque, Rinat Akhmetov (1966-), dont le noyau de l’empire industriel se trouvait là, était du même avis et avait également apporté son soutien aux combattants pro-Kiev.
D’une manière générale, les oligarques ukrainiens estiment aujourd’hui que les affrontements n’ont que trop duré, qu’ils nuisent aux affaires et qu’il est temps de trouver une solution négociée au problème du Donbass, qu’il faudra d’ailleurs reconstruire. Mais cette position heurte de plein fouet celle d’un autre oligarque, le président Porochenko lui-même[2], dont le pouvoir dépend en grande partie de la poursuite de l’antagonisme avec la Russie et du soutien occidental que cela lui apporte.
[1] Les totaux ne sont pas égaux à 100 % parce que, en Ukraine, les votes blancs sont comptabilisés.
[2] Sa fortune était estimée à 1,3 milliard USD en 2014, au moment de son accession à la présidence. Même s’il a cédé quelques-uns de ses actifs et qu’il n’apparaît plus dans le classement international de la revue Forbes, sa fortune n’a pas disparu pour autant. Il était devenu milliardaire en dollars en 2012, alors qu’il était député et occupait des postes politiques importants.