Le 25 février 1935, le Chicago American publie un article de Thomas Walker sur le bilan de la grande famine
Le 25 février 1935, le Chicago American publie un article de Thomas Walker sur le bilan de la grande famine

Holodomor : l’éradication de la paysannerie soviétique

Non ! Disons-le tout de suite, contrairement à la résolution votée par l’Assemblée nationale française, le 28 mars 2023[1], le Holodomor (« famine ») en 1932-1933, n’a pas constitué un « génocide » du peuple ukrainien, mais participait d’un crime de masse particulièrement atroce visant à l’éradication des paysans en tant que classe dans l’ensemble de l’Union soviétique !

J’ai consacré au Holodomor un chapitre de mon livre L’Ukraine, une histoire entre deux destins, et un grand article dans la revue Le Figaro Histoire (juin 2022) que le lecteur peut consulter ici.

À ce texte, je voudrais ajouter trois choses. La première est que, proportionnellement, la partie de l’URSS la plus touchée par cette « Grande famine » du début des années 1930 fut le Kazakhstan où le nombre abominable de morts s’éleva à environ 1,5 million sur une population d’un peu plus de 6,5 millions d’habitants ! En Ukraine, ce furent environ 4 millions sur 30 millions d’habitants. Les régions de Russie occidentale et de la Volga versèrent aussi un tribut sanglant de quelque deux millions de morts à la collectivisation des terres. Cela réduit à néant l’accusation de « génocide » qui aurait visé les Ukrainiens. En réalité, si les Ukrainiens et les Kazakhs payèrent le plus lourd tribut ce fut parce que les paysans (riches ou non, comme le montre mon article) constituaient une part très importante de la population.

La deuxième est que, pendant que la famine faisait rage, le premier Plan quinquennal (1928-1933), destiné à créer le plus vite possible une industrie moderne capable de fournir l’acier nécessaire aux besoins militaires, fixa l’Ukraine comme l’une des parties de l’Union soviétique où les investissements devaient être concentrés en priorité. L’appareil de production du Donbass fut développé et la partie inférieure du cours du Dniepr – notamment autour des villes de Dniepropetrovsk, Zaporojie et Krivoï Rog – fut transformée en une région industrielle de grande importance non seulement pour la République socialiste soviétique d’Ukraine, mais pour l’ensemble de l’Union soviétique.

Enfin, troisièmement, il convient de garder à l’esprit que dans chaque partie de l’URSS, les organisations locales du Parti communiste étaient chargées de diriger et de mener à bien la collectivisation des terres dans les territoires qu’elles contrôlaient. Pour l’Ukraine, ce furent les dirigeants et les membres du Comité central du Parti communiste (bolchevique) d’Ukraine, pour la plupart Ukrainiens, comme l’étaient aussi les exécutants : les soldats de la milice, de la sécurité d’État et de l’armée, accompagnés par des « enthousiastes », des ouvriers d’usine « volontaires » pour appliquer la politique du Parti.

 

[1] Par 198 voix pour et 2 contre. 403 députés n’ont pas pris part au vote.

PIERRE LORRAIN

Journaliste, écrivain - spécialiste de la Russie et de l'ex-Union Soviétique