Cette fois, c’est sûr, on va gagner !

Aide à l’Ukraine : Une victoire à la Pyrrhus ?

Le vote par la Chambre des représentants des États-Unis d’un paquet d’aide de 61 milliards USD, ce 20 avril, est sans nul doute un succès. Mais pas forcément celui que l’on croit. Les congressistes ont abondamment manifesté leur joie en agitant des drapeaux ukrainiens avec des élans dignes de la foule du stade FedExField après un touchdown. Il ne manquait que les pom-pom-girls. Ils pensaient que l’Ukraine allait enfin pouvoir gagner la guerre. Certains devinaient pourtant que ce n’était pas garanti et que, si victoire il y avait, elle n’était que politique en faveur du locataire actuel de la Maison Blanche.

Le président Joe « spendthrift » Biden a augmenté ses chances pour l’élection de novembre. Du moins, c’est ce que pensent les membres de l’administration américaine. Car il y a de fortes chances que cet épisode triomphal ne soit qu’une victoire à la Pyrrhus. En réalité, les grands gagnants de l’opération sont les industriels américains de l’armement. Le texte ne prévoit que quelque 14 milliards USD pour former, équiper et payer l’armée ukrainienne. Environ 10 autres milliards seront envoyés, sous forme de prêt (mais sans espoir de remboursement), pour assister économiquement les secteurs de l’énergie et des infrastructures. Mais le reste est destiné à reconstituer les stocks de l’armée américaine et reviendra aux usines d’armement des États-Unis. Ainsi plus de la moitié de l’aide ira enrichir le secteur militaro-industriel, ses lobbies et les politiciens qu’ils financent. Mais il permettra aussi de créer des emplois dans un certain nombre d’États clés, ce qui permettra aux élus démocrates et à Joe Biden d’illustrer tous les efforts qu’ils font en faveur de l’électorat. Chaque voix compte, n’est-ce pas ?

Quant à l’Ukraine, Washington espère éviter un effondrement du front et l’ouverture de pourparlers qui seraient un revers cuisant pour le président Biden, après toutes les déclarations extravagantes sur la situation qu’il a faites ces derniers mois. Le but principal de cette aide est de redonner confiance à Kiev en lui faisant croire que l’Occident est toujours derrière lui et qu’il a encore une chance sinon de gagner la guerre du moins de ne pas la perdre. Le message est clair : résister et, surtout, ne pas négocier puisque de nouvelles armes et surtout des munitions vont arriver rapidement, même s’il faudra attendre des mois et même un ou deux ans pour que des équipements plus importants, dont la production va être lancée, parviennent sur le champ de bataille. Car il est facile d’imprimer du papier-monnaie, mais on ne peut pas fabriquer rapidement des canons, des obus en nombre suffisant et des batteries antimissiles.

Il faut, de plus, garder à l’esprit une vérité qui dérange : l’offensive ukrainienne du printemps-été 2023 a demandé quelque 200 milliards USD aux États-Unis et à leurs alliés européens pour soutenir l’Ukraine et lui fournir plusieurs milliers de chars, de véhicules blindés d’infanterie, de lance-roquettes multiples et autres systèmes d’artillerie, sans oublier 3 millions d’obus et des dizaines de batteries de défense aérienne de différents types et origines, dont les fameux Patriot.

Dans ces conditions, comment peut-on imaginer qu’avec une petite fraction de cette somme, et alors que les stocks occidentaux d’armes sont très limités, le résultat d’une future – et très improbable – offensive en 2025 puisse être différent ? Non ! La seule logique que l’on peut entrevoir au vote de cette aide est de permettre au pouvoir ukrainien de différer toute possibilité de négociation – ou, pire, de reddition – jusqu’après le premier mardi de novembre 2024.

Le problème est qu’il risque de se produire une situation indésirable : si l’armée ukrainienne s’effondre avant la date fatidique malgré le vote de la Chambre, cela signifiera que les 61 milliards USD auront été dilapidés et n’auront servi qu’à enrichir encore un nombre important de copains et de coquins, selon une vieille formule d’un temps révolu. Les conséquences pour Joe « con artist » Biden seront dévastatrices.

De toute manière la conséquence directe de cette décision parlementaire est que la guerre va se poursuivre. Le président Volodymyr Zelensky a déclaré que cette aide « sauvera des milliers et des milliers de vies ». Il est à craindre, au contraire, qu’elle ne contribue à tuer des dizaines de milliers de soldats. Et cela pour rien, sinon pour des manœuvres politiciennes.

Si la plupart des observateurs sérieux estiment que le déblocage de l’aide pose plus de problèmes qu’il n’est censé en résoudre, en Ukraine, les extrémistes néonazis voient comme un présage favorable que le vote ait eu lieu le 20 avril. Ils sont sans doute bien les seuls.

Antony Blinken et Dmytro Kouleba : jeu de dupes?

OTAN : Une ultime provocation avant la fin du monde

Le 4 avril à Bruxelles, Antony Blinken, le secrétaire d’État des États-Unis, affirmait sans ciller : « l’Ukraine deviendra membre de l’OTAN. Notre objectif […] est d’aider à construire un pont vers cette adhésion. » À ses côtés, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba, parvenait à peine à dissimuler un rictus embarrassé tant il savait que c’était faux. Le pire de ce moment gênant n’est pas que M. Blinken mentait, mais que toute l’assistance le comprenait et qu’il y avait une totale déconnexion entre ses mots et ses paroles.

Le pire n'est plus exclu...

Géopolitique : Comment la diplomatie 2.0 nous entraîne vers la guerre mondiale

Surprise ! Le 3 avril dernier, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a eu, à sa demande, un entretien téléphonique avec son homologue russe, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Les deux responsables ne s’étaient pas parlé depuis le 23 octobre 2022. Début d’une désescalade ? Premier pas vers de futures négociations ? Hélas, non !

PIERRE LORRAIN

Journaliste, écrivain - spécialiste de la Russie et de l'ex-Union Soviétique