« Ils n'ont rien appris, ni rien oublié » : c’est en ces termes que Talleyrand décrivait la conduite des Bourbons à leur retour d’exil en 1814, après plus de vingt ans de république et d’empire qui avaient radicalement changé la France. Ils n’étaient pas revenus dans le même pays et pourtant ils se comportaient comme s’il ne s’était rien passé. Loin de nous de vouloir comparer le président Joe Biden à Louis XVIII, ou l’administration américaine à la cour de la Restauration, mais il nous semble que, sans avoir quitté leur pays, les responsables de la Maison Blanche ne se sont pas rendu compte qu’ils ne vivaient pas dans le même monde que leurs prédécesseurs d’une autre époque.
Décembre est une période propice aux contes de fin d’année, ces belles histoires qui commencent par un drame et se terminent toujours bien grâce à l’esprit de Noël, un coup de pouce du destin, un petit miracle, la bienveillance et la paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Or, justement, de tels hommes, le célèbre journaliste américain Seymour Hersh en a trouvé deux, et pas n’importe lesquels, des généraux d’armée, s’il vous plaît ! D’un côté, le commandant en chef ukrainien Valeri Zaloujny et, de l’autre, le chef de l’état-major général russe Valeri Guerassimov. Conscients que la guerre est dans l’impasse, les deux Valeri négocieraient en secret un accord de paix pour mettre fin à l’hécatombe.
Dans nos précédents articles, « L’inquiétude gagnerait-elle Washington ? » (3 et 6 novembre) et « Zelensky, l’empêcheur de négocier en rond ? » (23 novembre), nous expliquions le dilemme de l’administration américaine qui aimerait bien geler le conflit en Ukraine de manière à gagner du temps pour reconstituer les forces de l’OTAN, et le problème posé par l’entêtement du président Volodymyr Zelensky qui tient à poursuivre le combat jusqu’à un hypothétique retour du pays aux frontières de 1991. Or, comme les États-Unis ont répété à qui voulait les entendre que « Putin has already lost… anyway » et que c’était au pouvoir ukrainien de déterminer les conditions d’éventuelles négociations, il est difficile à Washington de se substituer à Kiev pour prendre l’initiative de pourparlers.