Inversion des valeurs : Le Canada montre l’exemple ?
Le Maître du Haut Château : un nouvel épisode ?

Inversion des valeurs : Le Canada montre l’exemple ?

Heureusement, la mémoire de l’horreur est encore vivace quatre-vingts ans plus tard. Inutile de revenir ici sur le scandale lié à la réception du président Volodymyr Zelensky au Parlement canadien, en compagnie du Premier ministre Justin Trudeau. Le tollé mondial soulevé à juste titre par la « standing ovation » offerte par la Chambre des communes à Yaroslav Hunka, 98 ans, combattant volontaire de la 14e division Waffen-SS « Galizien » (Halytchyna en ukrainien) a, pour une fois, été suivi d’effets. Le speaker de la Chambre, Anthony Rota – qui avait invité l’ancien combattant nazi et organisé sa reconnaissance publique – s’est vu contraint de démissionner. Quant à Justin Trudeau, il a été obligé de présenter des excuses tout en expliquant qu’il avait été piégé à l’insu de son plein gré, comme un vulgaire coureur cycliste, et que tout était d’ailleurs la faute de la propagande russe ! Le ridicule ne tue pas, mais il laisse des traces, parfois indélébiles.

Cet événement déplorable met en lumière une curieuse inversion de valeurs qui s’opère depuis quelque temps dans le monde occidental en général et au Canada en particulier. Les élites de ce pays, où le poids de la communauté ukrainienne est particulièrement important, entretiennent une curieuse relation avec la réalité ukrainienne et, particulièrement, les groupes bandéristes et néonazis qui, comme on le sait bien, n’existent pas en Ukraine… sauf quand on célèbre les héros, notamment les kameraden de Hunka, les soldats de la division Galizien (mais évidemment, c’est purement folklorique et ça ne veut rien dire, n’est-ce pas ?)

Il convient de rapporter ici un incident significatif. Un article du quotidien canadien Ottawa Citizen, l’un des plus importants du pays, a révélé il y a quelque temps que les militaires de la Force opérationnelle interarmées du Canada en Ukraine entraînaient des combattants du bataillon Azov en toute connaissance de l’idéologie de cette unité. Et cela en dépit des consignes officielles de se tenir à l’écart des groupes militaires et paramilitaires d’orientation nazie ou même seulement néonazie.

Les liens avaient été révélés lors d’une réunion, en juin 2018, entre des officiers et diplomates canadiens et les dirigeants du bataillon Azov. La presse y avait eu accès et relevé le problème mais les Canadiens, au lieu de quitter immédiatement la salle, y étaient restés, se laissant même photographier avec leurs hôtes (néo)nazis. Le bataillon Azov a ensuite utilisé ces photos pour sa propagande en ligne, soulignant que la délégation canadienne avait exprimé « l'espoir d'une coopération fructueuse ».

Le plus absurde de la situation est que les officiels canadiens pris en flagrant délit de fraternisation tentèrent de faire pression sur les journalistes présents pour que l’affaire ne fut pas divulguée. Curieusement, ils y parvinrent presque : au lieu d’un scandale national, les retombées furent minimes. Après tout, le bataillon Azov, ce n'est que du folklore, n’est-ce pas ? Comme Hunka. Comme la division Waffen SS Galizien. Comme Stepan Bandera. Et qui d’autre après lui ?

 

Post Sriptum :

Le quotidien Ottawa Citizen de ce jour révèle que le général Wayne Eyre, le chef d'état-major de la Défense, a refusé de s'excuser pour la standing ovation en l'honneur de Hunka. « Eyre, le plus haut général du pays, a été critiqué sur les réseaux sociaux pour ses actions et peut être vu dans une séquence vidéo près de Hunka, souriant et applaudissant. »

Hunka 2

Est-ce étonnant, à la lumière de ce qui précède ?

PIERRE LORRAIN

Journaliste, écrivain - spécialiste de la Russie et de l'ex-Union Soviétique