Ukraine : De nouveaux «Tigres volants» américains pour Kiev ?
Les pilotes et mécanos de l'escadrille des Tigres volants et deux de leurs P-40

Ukraine : De nouveaux «Tigres volants» américains pour Kiev ?

Le constat est fait depuis longtemps : en dépit de l’assistance occidentale à l’Ukraine et de la fourniture par la Pologne et la Slovaquie d’une vingtaine de chasseurs Mig-29 de l’époque soviétique, l'Ukraine ne dispose pas d'appareils suffisants pour acquérir une supériorité aérienne, même limitée à un secteur du front, face à l’aviation russe, plus moderne, et aux défenses aériennes mobiles. Pourtant, un appui aérien important semble indispensable pour le lancement de la nouvelle offensive qui serait prévue dans un avenir incertain. Dans ce contexte, certaines sources évoquent la possibilité que l’administration Biden puisse fournir un soutien de l’aviation américaine en s’inspirant d’un précédent historique.

Dans un article de l'Asia Times, intitulé « Will Biden send US airpower for Ukraine offensive? » et publié le 26 avril dernier, les auteurs Stephen et Shoshana Bryen s’interrogent sur cette possibilité en évoquant l’exemple de la fameuse escadrille des Flying Tigers (« Les Tigres volants ») de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait d’un groupe de pilotes « volontaires » qui combattaient pour la Chine dans la guerre contre le Japon.

Les Flying Tigers furent formés et dirigés à partir de 1940 par le général Claire Lee Chennault, ancien officier de l'Armée de l'air américaine et conseiller pour l’aviation du dirigeant chinois Tchang Kaï-chek. Bien que neutres dans le conflit, les États-Unis utilisèrent le programme Lend-Lease (« Prêt-Bail ») pour envoyer une série de chasseurs Curtiss P-40 Warhawk qui furent peints de marquages distinctifs chinois avec des mâchoires de requin sur le nez des appareils. Après l’attaque japonaise contre Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis, en décembre 1941, l’escadrille fut reconnue par l’U.S. Air Force sous le nom de 1st American Volunteer Group (AVG). Aux États-Unis, les Tigres volants restent un exemple couramment cité de pilotes volontaires qui ont combattu pour un autre pays que le leur[1].

Pour les milieux les plus radicaux de la Maison-Blanche et du Pentagone, la tentation est certainement grande de rééditer cet épisode historique en envoyant en Ukraine des avions de combat multirôle « de location », sous marquages ukrainiens et pilotés par des « volontaires » ayant précédemment « démissionné » de l’Air Force. Cependant, comme le soulignent les auteurs de l’article de l’Asia Times, les risques d'une telle intervention sont considérables car ils peuvent entraîner une escalade difficilement contrôlable du conflit et des pertes potentielles de pilotes américains et d’appareils particulièrement coûteux. Il ne reste qu’à espérer que le titre français de la série TV relatant les aventures de la fameuse escadrille ne soit pas prémonitoire : Les têtes brûlées.

 

[1] L’histoire des Flying Tigers a inspiré une série télévisée intitulée Baa Baa Black Sheep (puis Black Sheep Squadron), avec l’acteur Robert Conrad, diffusée en France sous le titre Les têtes brûlées. Pour les amateurs de bande dessinée, il convient de signaler la série Les Tigres volants de Richard D. Nolane (scénarii) et Félix Molinari (dessins), chez Soleil productions (cinq albums de 1994 à 2000). Signalons aussi le livre Chennault et les Tigres volants de Jean-Claude Lauret et Raymond Lasierra, Hachette 1977 (disponible en format Kindle).

PIERRE LORRAIN

Journaliste, écrivain - spécialiste de la Russie et de l'ex-Union Soviétique