Il est facile de tomber dans le piège des fausses symétries si l’on survole les situations réelles sur le terrain et si l’on ne réfléchit pas à leurs implications politiques. Les deux points du globe où se focalisent les tensions actuelles, l’Ukraine et l’île de Taïwan en offrent une parfaite illustration. Dans les deux cas, les États-Unis et, à leur suite, leurs alliés européens et canadiens insistent sur l’importance de respecter l’« ordre international fondé sur des règles » tout en dénonçant les agissements de la Russie et de la Chine. Pourtant, les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent.
Le 13 juillet dernier, à Helsinki, le président Joe « Ruthenia delenda est » Biden, prenant des airs de Caton l’Ancien réclamant la destruction de Cartage, tenait des propos pour le moins décalés lors d’une conférence de presse[1] : « Poutine a déjà perdu la guerre. Poutine a un vrai problème. Comment va-t-il bouger à partir de là ? ». Ce mantra est répété à l’envi, ces derniers jours, par les principaux membres de l’administration américaine, notamment le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, et son porte-parole, le « coordinateur des communications stratégiques » John Kirby.
Ces derniers jours, la presse occidentale a été unanime à annoncer, avec des variantes minimes, l’information suivante : « Vladimir Poutine a reçu Evgueni Prigojine au Kremlin le 29 juin, peu de temps après la mutinerie manquée. Qu’est-ce que cela cache ? » À partir de là, une logorrhée de spéculations oiseuses, d’hypothèses débiles et d’affirmations péremptoires étayées par du vent s’est déversée de la bouche des habituels généraux de plateau et spécialistes qui connaissent les circonvolutions du cerveau du président russe mieux que leur propre poche.