Evgueni Prigojine sous le regard critique de Guillaume d'Ockham

Russie : l’affaire Prigojine et le principe du rasoir d’Ockham

Tout a été dit sur la mutinerie d’Evgueni Prigojine, ses motivations, son déroulement et ses conséquences. Tout et son contraire. En tout cas, les faits sont maintenant établis et il est inutile d’y revenir, le seuil de saturation ayant été atteint et même dépassé. Comme toujours lorsqu’il est question de la Russie, la prolifération des commentaires absurdes, des hypothèses folles et des théories fumeuses a envahi la plupart des plateaux de télévision[1] où, pour paraphraser Chrysale dans Les femmes savantes :

Les secrets les plus fous s’y laissent concevoir
Et l’on sait tout chez eux, hors ce qu’il faut savoir.

Scène du film de Stanley Kubrick "Docteur Folamour ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe" (1964).

Nucléaire tactique : La sénilité rendrait-elle sourd ?

Dissuasion : n. f. 1. Moyen quelconque utilisé pour dissuader quelqu'un, un groupe. 2. Stratégie de défense qui s'appuie essentiellement sur l'arme nucléaire. (L'adversaire potentiel renonce à une agression parce qu'il pense que le gain escomptable est inférieur au risque de destruction qu'il encourt…). Dictionnaire Larousse.

Disons-le tout de suite, la réponse à la question posée en titre est non. La preuve nous en a été fournie lundi soir 19 juin, par un dialogue surréaliste entre Anne-Sophie Lapix et Elon Musk, sur France 2. Après avoir répondu à plusieurs reprises que Twitter, qu’il possède, respecterait la loi, l’homme d’affaires s’énerve quelque peu devant l’insistance de l’inquisitrice la journaliste en disant « Oui, je l’ai déjà dit, Twitter respectera la réglementation. C’est la quatrième fois que je le dis… ou la troisième. » Que l’on se rassure, Madame Lapix n’est évidemment pas sénile et elle n’est pas devenue sourde. Elle se contentait de faire la sourde oreille pour tenter de pousser son interlocuteur à la faute.

Chute d'Icare provoquée par l'hubris (Jacob Peter Gowy, 1637, Musée des Beaux-Arts de La Corogne).

Occident : L’hubris destructrice

Concernant la guerre en Ukraine, il est difficile d’expliquer que tant de militaires occidentaux de haut rang, compétents, efficaces et intelligents se laissent entraîner dans une sorte de wishful thinking, ce biais cognitif qui pousse les individus à croire que quelque chose est vrai simplement parce que le contraire irait à l’encontre de leurs convictions les plus profondes. Et cela en dépit des preuves opposées. Évidemment, je ne parle pas ici des généraux ou colonels de « plateau » – à la retraite et souvent dépassés – qui en viennent à dire tout et son contraire en fonction non pas de la situation sur le terrain, mais de l’ambiance dans le studio et du sourire des « expertes[1] » ukrainiennes interchangeables qui défilent devant les caméras comme les mendiants dans le métro : « Madam’-Mossio, siou plaît, donnez des armes ! donnez de l’argent ! donnez, donnez, siou plaît ».

PIERRE LORRAIN

Journaliste, écrivain - spécialiste de la Russie et de l'ex-Union Soviétique