Les intérêts de la Russie au Moyen Orient

Les intérêts de la Russie au Moyen Orient

Contribution de Pierre Lorrain à la conférence « Les Perspectives stratégiques de la Russie au Moyen Orient », organisée dans le cadre de l’Institut Catholique de Paris, 12 février 2020

 Contrairement à une vision très répandue selon laquelle les Russes seraient arrivés de fraîche date au Levant et, plus généralement, au Moyen Orient (avec, comme corollaire l’idée qu’ils n’auraient rien à y faire), Moscou bénéficie d’une longue tradition de défense de ses intérêts dans cette zone. Tradition pratiquement aussi longue que celle des deux puissances qui, à l’issue de la Première Guerre mondiale et de l’effondrement de l’Empire ottoman, avaient obtenu de la Société des Nations des mandats pour l’administration du Liban et de la Syrie (la France) et de la Palestine (le Royaume-Uni). Il est probable que, sans la révolution d’Octobre qui avait fait sortir l’Empire russe de la guerre, Saint-Pétersbourg aurait eu, au même titre que Paris et Londres, son mot à dire dans le partage des mandats sur ces territoires.

En fait, la Russie actuelle possède une tradition d’implication dans cette région du monde qui se justifie par un double héritage : celui de l’Empire tsariste et celui de l’Union soviétique.

Défense russe : à la recherche de l’équilibre perdu

Défense russe : à la recherche de l’équilibre perdu

Avec la fin de la guerre froide, les États-Unis ont tenté de pousser leur avantage militaire, mais viennent d’être contournés par les nouveaux missiles hypersoniques russes qui rétablissent l’équilibre stratégique.

« La Russie n’a que deux alliés : son armée et sa flotte », disait l’empereur Alexandre III à la fin du xixe siècle. Cet aphorisme, connu de tous les Russes, est gravé sur le socle du monument à ce tsar que le président Vladimir Poutine a inauguré le 18 novembre 2017, dans les jardins du palais de Livadia, à Yalta en Crimée.

Ainsi, pour le centenaire de la révolution bolchevique de 1917, c’était un monarque symbolique de l’ancien régime, bâtisseur de l’armée russe moderne, que Poutine avait choisi d’honorer. Pendant ce temps, à Moscou, ses assistants peaufinaient le discours annuel qu’il devait prononcer le 1er mars 2018 devant l’Assemblée fédérale, la réunion des deux chambres du Parlement russe, et qui allait constituer, selon les mots du président, « un événement historique très particulier ».

Ukraine : Après les élections, les choses sérieuses commencent

Ukraine : Après les élections, les choses sérieuses commencent

Avec 43,16 % des voix au scrutin proportionnel et 254 députés[1], le parti présidentiel « Serviteur du Peuple » a obtenu la majorité absolue des sièges au Parlement. Il n’a pas besoin de s’unir avec d’autres forces pour former une coalition gouvernementale, mais il peut être intéressant pour lui de compter sur des alliés au sein de la nouvelle Verkhovna Rada.

Les élections législatives du 21 juillet 2019 ont donné un résultat inédit dans l’histoire de l’Ukraine indépendante, c’est-à-dire depuis 1991. Pour la première fois, un parti détient, à lui seul, la majorité absolue des sièges au Parlement, la Verkhovna Rada. Jusqu’à présent, les majorités se créaient sur des coalitions, souvent instables, parfois atypiques, c’est-à-dire fondées sur l’association de partis aux programmes divergents et même contradictoires, dont le seul dénominateur commun était la volonté de se partager des postes et de détenir une parcelle du pouvoir. Négociations, tractations, petits arrangements entre ennemis étaient le lot commun de vie politique avec, pour résultat, une totale incapacité à mener à bien des réformes et la persistance d’une corruption très importante favorisée par un système étatique fondé sur le capitalisme de connivence où les responsables de l’État privilégient les oligarques et hommes d’affaires qui leur étaient proches et qui les finançaient en retour. Ce système a conduit à l’émergence d’une ploutocratie où les deux tiers des députés étaient millionnaires et le président lui-même était un oligarque.

PIERRE LORRAIN

Journaliste, écrivain - spécialiste de la Russie et de l'ex-Union Soviétique